Academia.eduAcademia.edu
Annales du Cercle royal d’histoire et d’archéologie du Canton de Soignies, XL, 2012 MAXIME CALLEWAERT Aspirant F.R.S.-FNRS, Centre de Recherche en Archéologie et Patrimoine, Université libre de Bruxelles HISTOIRE DE FIBULES. ÉTUDE TYPOLOGIQUE DES FIBULES ROMAINES DU MUSÉE DU VIEUX-CIMETIÈRE DE SOIGNIES 206 MAXIME CALLEWAERT Introduction Les fibules sont de petits objets de la vie quotidienne largement utilisés dans nos régions à l’époque romaine. Ces petites épingles, qui servaient à attacher un pan de vêtement, ont une histoire particulière, tant à l’époque de leur utilisation que lors des derniers siècles durant lesquels elles ont été étudiées. Les nombreuses évolutions de leur forme en fonction des modes de l’époque témoignent non seulement des goûts et des idées de nos ancêtres mais elles permettent aussi d’établir des typologies précieuses pour les archéologues. En effet, ces dernières ont l’avantage de donner des informations quant à la répartition géographique des fibules mais aussi à l’identification des dates et lieux de production. La chronologie de ces objets peut être très précise car il est possible, pour certains types, de dater à une décennie près. Les fibules constituent donc, après la céramique et les monnaies, les marqueurs chronologiques les plus précis et sont utilisées pour l’établissement des chronologies des sites archéologiques. Nous proposons donc d’aborder l’histoire des fibules romaines selon trois aspects. Tout d’abord, nous nous pencherons sur les différentes fonctions que les fibules revêtaient dans l’Antiquité. Ensuite, nous retracerons l’historiographie des études entreprises sur ces objets depuis le XIXe siècle jusqu’à nos jours. Finalement, nous étudierons la collection de fibules romaines du Musée du Vieux-Cimetière de Soignies qui témoigne parfaitement de la variété des formes que l’on rencontrait en Gaule romaine. 1. Les fibules : accessoires, bijoux ou symboles ? La fibule (fibula en latin) est une sorte d’agrafe, objet du quotidien de nos ancêtres. Elle se caractérise par un ardillon 1 . Cet accessoire vestimentaire constitue une évolution par rapport à la simple épingle. Sa fonction principale est de « maintenir ou rapprocher, pour les fermer, des pans de tissu au moyen d’une épingle appelée ardillon, mue par un ressort ou une charnière et retenue, à l’autre extrémité, par une gouttière dite porte-ardillon »2. Dans nos régions, la forme à ressort, antérieure à celle à 1 2 S. REINACH, Fibula, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, éd. C. DAREMBERG et E. SAGLIO, t. 2.2, Paris, 1896, p. 1101. J.-P. GUILLAUMET, Les fibules de Bibracte : technique et typologie, Dijon, 1993, p. 6. Histoire de fibules 207 charnière, est apparue avec le conséquent développement de la métallurgie à la fin de l’Âge du Bronze. Cet objet a plusieurs fonctions. La principale vocation de cet accessoire est bien entendu le rôle usuel vestimentaire pour fixer les vêtements. On peut distinguer deux contextes principaux dans lesquels les fibules ont été perdues ou déposées : celui des habitats ainsi que des sols d’occupation et celui du monde funéraire où les défunts sont parés de tels objets. La fibule revêt parfois une fonction votive dans des lieux de culte ou des nécropoles. Nombre d’entre elles ont été découvertes dans des sanctuaires (Han-sur-Lesse 3 , Martigny 4 ...). Enfin, certaines fibules sembleraient investies d’un rôle distinctif. Au IIIe siècle de notre ère, une fibule en argent est remise aux tribuns des légions et appartenait donc à l’uniforme officiel des hauts dignitaires de l’Empire5. Les fibules sont le plus souvent fabriquées en métal (or, argent, alliage cuivreux et/ou fer) mais des exemplaires en ivoire et en ambre sont connus. Très vite, elles vont offrir aux artisans la possibilité d’exploiter un support pour développer une riche décoration. On retrouvera sur ces objets l’incision, la dorure, l’incrustation, le filigrane et la granulation ; puis, à partir du premier siècle de notre ère, l’émaillage et l’étamage. Cet engouement pour la décoration entraîne une évolution et une diversification des formes. Les fibules peuvent aussi comporter des inscriptions6. Le type romain le plus connu pour les mots qu’il contient est celui de Nertomarus. Les inscriptions des fibules sont diverses ; on retrouve des expressions de vœux du donateur, des noms et des indications d’appartenance à une légion7. Les formes et les décorations des fibules se sont tellement développées que ces objets, à l’origine purement usuels, sont devenus de véritables bijous, féminins et masculins. L’ornementation prend tellement d’importance qu’il paraît peu aisé de distinguer une fibule d’une broche, si ce n’est le caractère usuel vestimentaire de la première et l’ornementation esthétique de la deuxième. 3 4 5 6 7 M. CALLEWAERT, Analyse typologique et technologique des fibules romaines de Han-sur-Lesse (Namur, Belgique), Romeindag - Journée d’archéologie romaine, Bruxelles, 2011, p. 21-30. V. REY-VODOZ, Les fibules gallo-romaines de Martigny, Jahrbuch der Schweizerischen Gesellschaft für Ur- und Frühgeschichte, t. 69, 1986, p. 149-198. S. REINACH, op. cit., p. 1103-1104. G. BEHRENS, Römische Fibeln mit Inschrift, Reinecke Festschrift. Zum 75. Geburtstag von Paul Reinecke am 25. Septembre 1947, éd. G. BEHRENS et J. WERNER, Mayence, 1950, p. 1-12. S. REINACH, op. cit., p. 1104. 208 MAXIME CALLEWAERT 2. Historiographie de l’étude des fibules romaines d’Europe occidentale Bien que dans le passé, plusieurs auteurs8 se soient déjà penchés sur les grands axes de l’étude des fibules à travers l’histoire moderne, on remarque que, depuis une vingtaine d’années, de nouvelles approches se sont développées. Afin de comprendre davantage l’état des connaissances actuelles et ses problématiques liées à l’étude des fibules, il est donc nécessaire de rappeler les différentes méthodologies utilisées pour aborder ces objets. Depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, on retrouve des fibules publiées avec ou sans dessin dans les ouvrages traitant de grandes collections. Cependant, il faut attendre les années 1880 pour que les premières études sur les fibules soient réalisées. Les premiers essais de classification sont publiés par Otto Tischler9, mais ils seront supplantés par l’étude d’Oscar Almgren10, éditée en 1887. Cette publication est établie à partir de l’étude d’un vaste matériel, elle propose des dessins de fibules provenant de Belgique, du Danemark, d’Allemagne, des Pays-Bas, de Norvège, de Russie, de Finlande, de Suède, d’Autriche et de Hongrie. O. Almgren propose une classification en sept groupes pour faciliter l’identification des fibules. En travaillant sur un vaste territoire, ce préhistorien suédois s’est aperçu qu’il existait peu de grandes variations de formes et que celles-ci sont largement diffusées. Avec le début du XXe siècle, une approche évolutionniste est développée en 1910 par Morin-Jean avec son essai de typologie des fibules de la Gaule11. Cet ouvrage est d’une grande importance pour l’étude des fibules car il propose une classification de l’évolution des formes qui a servi de base aux typologies actuelles. En plus de cette classification, il établit une 8 9 10 11 A. BÖHME, Die Fibeln der Kastelle Saalburg und Zugmantel, Saalburg Jahrbuch, t. 29, 1972, p. 5-112 ; M.-A. DOLLFUS, Catalogue des fibules de bronze de HauteNormandie, Paris, 1973 ; M. FEUGÈRE, Les fibules de Gaule méridionale de la conquête à la fin du Ve siècle, Paris, 1985. O. TISCHLER, Über Formen der Gewandnadeln, Beiträge zur Anthropologie und Urgeschichte Bayerns, t. 4, 1881 ; ID., Die Gewandnadeln, oder Fibeln, Gurina im Obergailthal, éd. A.B. MEYER, Dresde, 1885. O. ALMGREN, Studien über Nordeuropäische Fibelformen der ersten nachchristlichen Jahrhunderte mit Berücksichtigung der provinzialrömischen und südrussischen Formen, Leipzig, 1887 (rééd. Mannus Bibl., 1923 et Bonn, 1975). MORIN-JEAN, Les fibules de la Gaule Romaine (essai de typologie et de chronologie), Congrès préhistorique de France (Tours 1910), Paris, 1911, p. 803835. Histoire de fibules 209 chronologie relative des fibules basée sur des critères archéologiques et techniques aujourd’hui désuets. Suite à cette publication qui servira d’ouvrage de référence jusque dans les années 50, il s’est écoulé une période creuse pour l’étude des fibules. On ne retrouve alors que très peu de publications12 qui corrigent quelques points de la typologie de Morin-Jean. D’autres auteurs publient les fibules de certaines régions13 ou certains types particuliers14 sans réellement approfondir l’étude de ces objets. Pour Michel Feugère, ce passage à vide s’explique par la priorité donnée aux études céramologiques plus utiles à l’archéologie, notamment dans l’établissement des chronologies. À partir de 1956, les travaux de Lucien Lerat relancent l’étude des fibules avec la publication de deux ouvrages majeurs : « Les fibules gallo-romaines de Besançon 15 » et « les fibules gallo-romaines de Mandeure16 ». Bien qu’il suive la voie tracée par Morin-Jean, ce travail, traitant un grand nombre d’objets (495 fibules), montre les limites de la typologie de 1910, notamment en proposant la révision de certaines chronologies et évolutions de fibules. Dans son introduction, Lucien Lerat nous informe clairement que son inventaire est provisoire et qu’il est destiné à encourager la publication des fibules pour réunir un assez grand corpus afin d’établir une typologie plus adéquate. 12 13 14 15 16 A. DE MORTILLET, Évolution des fibules, Revue Archéologique, t. 2, 1913, p. 157-159 ; J. DECHELETTE, Manuel d’Archéologie préhistorique, celtique et galloromaine, t. 2.3, Second Âge du Fer ou époque de La Tène, Paris, 1914 ; J. BELZ, Latènefibeln, Zeitschrift für Ethnologie, t. 43, 1911, p. 664-817. O. ALMGREN, Fibules d'Alésia et de Bibracte : deux dates fixes dans l’histoire de la fibule en Gaule, Opuscula Archaeologica Oscari Montelio septuagenario dedicata, Haeggstroem, 1913, p. 241-248 ; E. FRIESCHBIER, Germanische Fibeln in Anschluss den Pyrmonter Brunnenfund, Leipzig, 1922 ; I. KOVRIG, Die Haupttypen der Kaiserzeitlichen Fibeln in Pannonien, Budapest, 1937 ; I. SELLYE, Les bronzes émaillés de la Pannonie romaine, Budapest, 1939 ; E. VON PATEK, Verbreitung und Herkunft der römischen Fibeltypen in Pannonien, Budapest, 1942. G. CHENET, Agrafes circulaires ou fibules en oméga, Revue des Musées, t. 7, 1926, p. 236 ; E. BERGTHOL, Fibules zoomorphes émaillées du MontHérapel, Revue des Musées, t. 32, 1931, p. 246-249 ; K. EXNER, Die provinzialrömischen Emailfibeln des Rheinland, Bericht der RömischGermanischen Kommission, t. 29, 1939 (1941), p. 33-121 ; R. PARIS, Fibules zoomorphes de Vertillum, Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Chatillonnais, t. 4, 1951-1952, p. 83-86 ; J. WERNER, Die Nauheimer Fibel, Festschrift Ernst Spockhoff, Jahrbuch des Römisch-Germanischen Zentralmuseums Mainz, 1955/2, p. 170-195. L. LERAT Catalogue des collections archéologiques de Besançon, t. 2, Les fibules galloromaines, Paris, 1956. ID., Catalogue des collections archéologiques de Montbéliard, Les fibules gallo-romaines de Mandeure, Paris, 1957. 210 MAXIME CALLEWAERT Les décennies postérieures verront effectivement le nombre des publications sur les fibules augmenter. Les musées et les archéologues publient en masse les centaines de fibules conservées ou exhumées. Parmi ces centaines de travaux, il est essentiel d’en signaler quelques-uns qui suivent la voie ouverte par Lucien Lerat et tout d’abord, celui de MarcAdrien Dollfus qui réalise un catalogue des fibules de Haute-Normandie17. En 1973, Elisabeth Ettlinger18 étudie les fibules romaines de Suisse en utilisant une nouvelle typologie. Cette dernière regroupe les fibules en 57 types identifiés par un numéro. C’est une innovation capitale car elle permet d’éviter l’utilisation d’anciens noms typologiques de fibules. Ces noms étaient souvent éponymes du lieu où la première fibule de ce type ou un nombre considérable de fibules de ce type avaient été retrouvées. De plus, le système par numérotation semble le plus logique dans la perspective d’une étude des évolutions des formes des fibules. En plus de cette typologie, E. Ettlinger propose une chronologie et une étude de répartition des fibules ; c’est aussi la seule typologie, à l’heure actuelle, à présenter presque systématiquement les fibules en photographies en plus des dessins. Un autre ouvrage intéressant qui présente une typologie indépendante est celui des fibules d’Augst réalisé par Emilie Riha19 en 1979 et complété en 199420. Les 3 026 fibules d’Augst ont été classées en huit groupes numériques. C’est un système ouvert qui permet l’ajout de nouveaux types ou de sous-types. La typologie est associée à une chronologie sûre puisque tous les exemplaires étudiés ont été découverts lors des fouilles du site. En plus de ce classement, E. Riha propose une approche fonctionnelle des fibules, elle distingue pour certains exemplaires une vocation féminine ou masculine mais aussi civile ou militaire. Signalons que l’analyse de la décoration des fibules est à l’origine de la découverte de quelques ateliers. La Grande-Bretagne n’échappe pas à cette vague d’intérêt pour les fibules. Dans les années 50 et 60, le grand pionnier en la matière sera Mark Reginald Hull qui réalise une typologie de près de 10 000 exemplaires anglais pré-romains et romains. La mort de ce scientifique, en 1976, n’empêche heureusement pas la publication du premier volume sur les 17 18 19 20 M.-A. DOLLFUS, op. cit. E. ETTLINGER, Die Römischen Fibeln der Schweiz, Berne, 1973. E. RIHA, Die römischen Fibeln aus Augst und Kaiseraugst, Forschungen in Augst, t. 3, 1979. E. RIHA, Die römischen Fibeln aus Augst und Kaiseraugst, Die Neufunde seit 1975, Forschungen in Augst, t. 18, 1994. Histoire de fibules 211 fibules pré-romaines. Le second volume est, lui, toujours en préparation. Cette typologie propose 314 types numérotés répartis dans plusieurs groupes et sous-catégories. Un autre chercheur important dans l’étude des fibules anglaises est Richard Hattatt qui a publié dans les années 80 de nombreux travaux21. En 1985, Michel Feugère établit la dernière grande typologie en date dans sa publication des fibules romaines de la Gaule méridionale 22 . Les 2 079 fibules sont réparties en 32 types numérotés associés à une chronologie et une étude de répartition. Comme le travail de E. Riha, cette étude a permis de mettre en avant l’existence d’ateliers grâce, notamment, à l’analyse des décorations. Bien que les travaux d’E. Ettlinger, de E. Riha et de M. Feugère soient conduits de manière différente, ils n’en restent pas moins complémentaires car ils couvrent un large territoire. À l’heure actuelle, ce sont les trois grands ouvrages de référence utilisés pour l’étude des fibules. Ces typologies, avec leur système numérique, peuvent être complétées et quelques auteurs ont proposé de nouveaux types ou sous-types 23 . À l’occasion du centenaire de la publication d’O. Almgren, un numéro spécial des Forschungen zur Archäologie im Land Brandenburg lui a été dédié. Dans cette épaisse publication, plusieurs auteurs ont repris la typologie d’O. Almgren et l’ont appliquée à d’autres pays (Pologne, Danemark...) élargissant ainsi le vaste territoire déjà étudié. Malgré l’existence de certaines études 24 , les fibules du nord de la Gaule n’ont pas été examinées dans une approche globale. Ce travail considérable reste à réaliser. Nous avons vu que les fibules ont été étudiées au travers de deux approches majeures. La première effectuée par O. Almgren est une vision purement formelle, alors que la seconde, celle de Morin-Jean, est clairement évolutionniste. Mais depuis les années 1950, une nouvelle approche de l’étude des fibules s’est développée : celle de la technologie. Les premiers 21 22 23 24 R. HATTATT, Ancient and Romano-British Brooches, Sherborne, 1982 ; ID., Iron Age and Roman Brooches, Oxford, 1985 ; ID., Brooches of Antiquity, Oxford, 1987 ; ID., Ancient Brooches and Other Artefacts, Oxford, 1989. M. FEUGÈRE, op. cit. Pour en citer quelques-unes : J. PHILIPPE, Les fibules de Seine-et-Marne du 1er siècle av. J.C au 5e siècle ap. J.-C., Nemours, 1999 ; F. PIETRUK, Les fibules romaines des Musées de Metz, Metz, 2005. M.-A. DOLLFUS, op. cit. ; N. GASPAR, Die keltischen und gallo-römischen Fibeln vom Titelberg, Luxembourg, 2007 ; L. LERAT, Les fibules d'Alésia, Dijon, 1979 ; J. PHILIPPE, op. cit. 212 MAXIME CALLEWAERT travaux25 se sont surtout attelé à identifier certaines méthodes de fabrication et de décoration des fibules. E. Riha a, elle aussi, pointé ces techniques mais elle a surtout ouvert la voie aux méthodes d’investigation scientifique, notamment en proposant des métallographies des fibules d’Augst. Depuis une vingtaine d’années, on trouve de plus en plus de publications 26 qui proposent des analyses physico-chimiques. Parmi ces travaux, nous devons pointer celui de Jean-Paul Guillaumet sur les fibules de Bibracte publié une première fois en 198427 et en édition augmentée en 199328. Dans ces ouvrages, il met l’observation technique au service d’une nouvelle typologie. À partir de fibules pré-romaines et romaines abandonnées à différents moments de la fabrication, il propose un classement basé sur la structure afin d’en arriver à une techno-typologie de 17 types. Une récente étude29 de Justine Bayley et Sarnia Butcher, héritière de la vague des analyses physico-chimiques, propose une analyse technologique et typologique des fibules romaines de Grande-Bretagne. En se basant sur la typologie de Hull, les auteurs ont analysé la composition des fibules de manière quantitative. Les types de décors des fibules ont été mis en rapport avec les compositions des alliages constitutifs. Une série de 25 26 27 28 29 G. BEHRENS, Zur Typologie und Technik der provinzialrömischen Fibeln, Jahrbuch des Römischen-Germanischen Zentralmuseums Mainz, t. 1, 1954, p. 220236 ; H. DRESCHER, Ein Beitrag zur Technik römischer Zwiebelknopffibeln, Germania, t. 37, 1959, p. 170-179 ; J. D. BATESON et R.E.M. HEDGES, The scientific analysis of a group of roman-age enamelled brooches, Archaeometry, t. 17, Oxford, 1975, p. 177-190 ; M. PERNOT, J. DUBOS et J.-P. GUILLAUMET, Technologies de fibules du Mont-Beuvray, Techniques antiques du bronze : faire un vase, faire un casque, faire une fibule, Dijon, 1988, p. 59-90 ; EID., La fabrication d'une fibule celtique, Archéologie expérimentale. Actes du Colloque international Expérimentation en archéologie, bilan et perspectives, tenu à l’Archéodrome de Beaune les 6, 7, 8 et 9 avril 1988, t. 1, Les arts du feu, 1991, p. 165-173. Pour en citer quelques-unes : M. CALLEWAERT op. cit. ; J. REIDERER, Metallanalysen römischen Fibeln aus Kempten, Die römischen Fibeln von Kempten-Cambodunum/chr. Flügel, Die römischen Bronzegefäße von KemptenCambodunum, éd. M. SCHLEIEMACKER, Lassleben, 1993, p. 45-52 ; J. BAYLEY et S. BUTCHER, The Composition of Roman Brooches Found in Britain, Acta of 12th International Congress on Ancient Bronzes (Nijmegen 1992), Nimègue, 1995, p. 114-119 ; P. HAMMER et H.-U. VOSS, Metallkundliche Untersuchungen an römischen und germanische Fibeln, Forschungen zur Archäologie im Land Brandenburg, t. 5, 1998, p. 455-465. J.-P. GUILLAUMET, op. cit. Ibid. J. BAYLEY et S. BUTCHER, Roman Brooches in Britain : A Technological and Typological Study based on the Richborough Collection, Londres, 2004. Histoire de fibules 213 conclusions technologiques ont été présentées pour chaque type de fibule. On retrouve aussi une étude de répartition des fibules ainsi que la mise en avant de l’existence de certains ateliers. Cet ouvrage s’avère être un excellent état des lieux des connaissances technologiques des fibules et contient une bibliographie riche sur le sujet. 3. Les fibules romaines du Musée du Vieux-Cimetière de Soignies Le Musée du Vieux-Cimetière de Soignies conserve une petite série de fibules romaines en alliage cuivreux provenant de la villa du Saussois. Cette collection très diversifiée montre la grande variété de formes que pouvaient avoir les fibules à l’époque romaine. Les dessins des fibules sont présentés dans la Table 1. Fig. 1. Fibules romaines du Musée du Vieux-Cimetière de Soignies. Dessin de M. Callewaert et A. Boucquey. 214 MAXIME CALLEWAERT 1. Fibule dite « militaire » Fibule à ressort bilatéral à quatre spires à corde interne. L’arc de section épaisse forme un coude à angle droit. Le porte-ardillon est triangulaire. Typologie : Riha 1.6.2, Almgrem 15. Répartition et datation : ce type de fibule est caractéristique des sites militaires du Limes germanique, il s’est répandu dans l’est de la Gaule. L’origine de la production est datée de l’époque de Claude-Néron, mais c’est surtout durant l’époque flavienne que l’on rencontre ce type de fibules. Quelques exemplaires sont encores utilisés au début du IIIe siècle ap. J.-C.30 2. Fibule à arc semi-circulaire incisé Fibule, originellement à ressort bilatéral et à corde interne. L’arc plat est semi-circulaire et présente une bande longitudinale de grenetis. Le pied est fin et se termine par un bouton mouluré rapporté. L’ardillon et le porteardillon sont brisés. Typologie : Apparenté à Riha 2.5.2. Répartition et datation : ce type de fibules est typique de la Belgique31. Elles sont généralement datées des IIe et IIIe siècles ap. J.-C. 3. Fibule à arc semi-circulaire incisé Fibule à ressort bilatéral à quatre spires et à corde interne. L’arc plat est semi-circulaire et présente une bande longitudinale dans laquelle s’inscrit une ligne en zigzag. Le pied est fin et se termine par un bouton mouluré rapporté. Le porte-ardillon est trapézoïdal. Typologie : Apparenté à Riha 2.5.2. Répartition et datation : ce type de fibules est typique de la Belgique32. Elle est généralement datée des IIe et IIIe siècles ap. J.-C. 4. Arc semi-ciruclaire incisé Arc plat semi-circulaire présentant une bande longitudinale de grenetis. Cet arc appartient à une fibule du même type que nos exemplaires 2 et 4. Typologie : Apparenté à Riha 2.5.2. Répartition et datation : Ce type de fibules est typique de la Belgique33 . Elles sont généralement datées des IIe et IIIe siècles ap. J.-C. 30 31 32 33 E. RIHA, op. cit., p. 59-60. J. MOULIN, Quelques fibules de l’entité d’Antoing (HT) : Fontenoy, Bruyelle, Péronnes, Vie Archéologique, t. 51, 1999, p. 73. Ibid., p. 73. Ibid., p. 73. Histoire de fibules 215 5. Fibule gauloise simple ou « à plaquette » Fibule à arc de section plate. La tête de l’arc est coudée et se termine par une plaquette transversale. À l’origine, un ressort à six ou huit spires et corde externe se tenait derrière cette plaquette. Il ne reste plus que le départ de la première spire et celui de la griffe qui maintenait la corde. L’ardillon et le porte-ardillon sont brisés. Typologie : Feugère 14a, Riha 2.2, Ettlinger 9 Répartition et datation : ce type de fibule est très répandu dans les provinces occidentales de l’Empire romain. La forme de tradition celtique est reprise à l’époque d’Auguste pour connaître son apogée durant la première moitié du Ier siècle ap. J.-C34. Ces fibules sont souvent associées à des contextes militaires35. 6. Fibule non identifiée Fibule de section circulaire incomplète dont seul l’arc coudé et le porteardillon triangulaire sont conservés. En l’absence de la tête de l’arc et du système d’attache, il est difficile d’attribuer une identification typologique à cet exemplaire. 7. Fibule zoomorphe Fibule à charnière entre deux plaquettes en forme d’oiseau. L’ardillon, brisé, est conservé séparément. La surface de la fibule présente les restes d’un étamage. Des logettes ont été gravées dans les ailes et la queue pour y recevoir de l’émail. Il ne subsite aujourd’hui qu’une partie de cette décoration émaillée alternant des émaux orangés et des émaux d’une autre couleur. Typologie : Feugère 29, Riha 7.25, Ettlinger 48. Répartition et datation : des exemplaires proches ont été retrouvés en Gaule et en Germanie. D’autres exemplaires sont connus en Bretagne romaine. Les contextes qui ont livré ce type de fibule datent de la deuxième moitié du IIe siècle ap. J.-C36. 8. Fibule à moulures transversales Fibule à charnière dont l’arc, plat et coudé, est décoré de moulures. La surface de l’arc présente les restes d’un étamage. Le porte-ardillon est triangulaire. Typologie : Feugère 23c2, Riha 5.6, Ettlinger 32. 34 35 36 M. FEUGÈRE, op. cit., p. 265-266. Ibid., p. 264. E. RIHA, op. cit., p. 200-201. 216 MAXIME CALLEWAERT Répartion et datation : ce type de fibule est répandue dans le nord-est de la Gaule et sur le Rhin. Les contextes qui ont livré ces fibules sont généralement datés des Ier et IIe siècles ap. J.-C.37 9. Fibule à protubérances latérales Fibule à charnière dont l’arc, épais et profilé, est décoré de trois nervures alternant avec des lignes de crêtes ornées d’incisions transversales. De part et d’autre de l’arc, cinq paires de protubérances. Au niveau de la tête de l’arc, deux autres protubérances, plus grandes et décorées d’incisions similaires à celles de l’arc. Le pied de la fibule est terminé par un bouton rapporté. Typologie : Feugère 14c2, Riha 5.9, Ettlinger 33 et Hull T70C. Répartition et datation : ces fibules sont répandues dans le nord et l’est de la Gaule, en Angleterre, dans les régions rhénanes et en Suisse. La datation de ce type est généralement de 60 à 110. 10. Fibule à charnière sous la tête Fibule dont la charnière à deux plaquettes est placée sous la tête de l’arc en forme de demi-cercle. L’arc, dont le départ est fortement coudé, présente en son centre un motif pyramidant à trois étages. Le pied de la fibule de forme trapézoïdale se termine par un bouton. Le porte-ardillon est triangulaire. L’ardillon est manquant. Typologie : Riha 7.1.1, Böhme 18. Répartition et datation : des fibules similaires ont été trouvées dans le nordest de la Gaule et sur le Rhin. Elles sont généralement datées de l’époque antonine38. Conclusion La fibule est, sans conteste, l’un des témoins les plus précieux de nos ancêtres. De par sa fonction usuelle, elle a été utilisée par tous les individus qu’ils soient hommes ou femmes, jeunes ou vieux, riches ou pauvres, etc. Elle était l’accessoire indispensable du vêtement qui pouvait jouer d’autres rôles (ostentatoire, symbolique, statutaire, etc). Il est donc normal de constater que ces objets ont été, très tôt, étudiés de manière très approfondie. Les travaux sont nombreux, offrant soit une approche purement typologique, soit une approche basée sur les aspects technologiques. Néanmoins, on remarque de plus en plus de 37 38 Ibid., p. 123. Ibid., p. 179. Histoire de fibules 217 travaux combinant ces deux approches afin de recueillir davantage d’informations sur ces objets. La collection de fibules du Musée du Vieux-Cimetière de Soignies est clairement caractéristique de la production de ce type d’objets dans nos régions à l’époque romaine. En Gaule Belgique et dans les Germanies, de nombreuses casernes militaires assurant la défense des frontières de l’Empire et la population civile se partageaient le même territoire. Les contours agressifs des fibules militaires, comme les exemplaires 1 et 9, sont à contraster avec la délicatesse des formes civiles, comme la fibule en forme d’oiseau présentant une décoration émaillée et étamée d’une grande finesse.